[Focus] Chikungunya, « une maladie loin d’être anodine »

Publié le 24 juin 2025
Deux cas autochtones de chikungunya ont été détectés en France métropolitaine depuis début 2025, tandis que le virus reste très actif à Mayotte. Près d’un millier de cas y ont déjà été recensés, après une flambée épidémique à la Réunion (plus de 33 000 cas). Éclairages avec Yannick Simonin, virologiste spécialiste en surveillance et étude des maladies virales émergentes et professeur à l’Université de Montpellier.
Qu’est-ce que le chikungunya ?
Le chikungunya est un arbovirus transmis par des vecteurs arthropodes, en l’occurrence les moustiques du genre Aedes. Ilprovoque des atteintes musculaires et articulaires prolongées dans le temps. Contrairement au Zika ou à la dengue, pour lesquels la majorité des personnes infectées ne développent pas de symptômes, pour le chikungunya, dans la majorité des cas, les symptômes sont apparents.
Comment le virus se transmet-t-il ?
Le virus chikungunya se transmet exclusivement par piqûre de moustique, dès lors qu’une personne infectée aura une quantité suffisamment importante de virus dans son sang. Quand elle va se faire piquer par un moustique compétent, de type Aedes, ce moustique va récupérer le sang infecté. Aussi parle-t-on de moustique vecteur. Le virus va se multiplier à l’intérieur du moustique. Quand il pique une autre personne, il injecte de la salive pouvant contenir du virus et l’infecte. Si cette personne est à son tour piquée par un autre moustique, elle pourra transmettre le virus, ce qui amplifie sa diffusion.
Quels sont les symptômes du chikungunya ?
Principalement des symptômes pseudo-grippaux : fièvre plus ou moins importante, fatigue associée et céphalées. En outre, le chikungunya provoque des douleurs articulaires et musculaires. Les malades peuvent éprouver ces douleurs persistantes pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. Le chikungunya laisse des séquelles importantes. Par ailleurs, chez les personnes fragiles, celles souffrant de comorbiditéset les personnes âgées présentant des facteurs de risque, des formes sévères peuvent aboutir au décès, même si ces formes sont plus rares. Le chikungunya constitue une maladie invalidante, loin d’être anodine.
La France métropolitaine constitue-t-elle une zone à risque ?
Oui, à la fois pour le chikungunya et d’autres virus, comme la dengue. L’aire de répartition du moustique tigre ne fait que croître, or Aedes albopictus est capable de transmettre de nombreux arbovirus. Chaque année, de 5 à 6 nouveaux départements se retrouvent colonisés par ce moustique. En métropole, la période de mai à octobre est celle où l’on observe la plus forte densité de moustiques. La période est d’autant plus à risque que des personnes infectées à la Réunion, à Mayotte ou dans d’autres territoires vont éventuellement se faire piquer par des moustiques tigres dans l’Hexagone et provoquer des foyers autochtones.
Des facteurs expliquent-ils l’épidémie à La Réunion et à Mayotte ?
Le virus du Chikungunya n’y est pas endémique. Les conditions climatiques ont été favorables à une forte densité de moustiques, d’abord les précipitations abondantes liées au passage du cyclone Garance, fin février, ensuite des températures favorables à leur prolifération. De plus, le virus circule activement dans différentes régions du globe, notamment en Amérique latine. Dès lors, des personnes ayant fréquenté ces zones sont revenues infectées à La Réunion, les cas importés. Les moustiques compétents ont ensuite transmis le virus à des personnes sur place, les cas autochtones. On entre ensuite dans un processus de circulation locale du virus.
Comment la lutte s’organise-t-elle ?
Outre la vaccination, la meilleure façon de lutter contre le chikungunya et les virus proches reste la lutte antivectorielle. Au niveau individuel, cette lutte s’appuie sur la sensibilisation de la population à limiter les gîtes larvaires. Et à systématiser une protection individuelle, par le port de vêtements amples ou l’usage de répulsifs. Par ailleurs, des organismes sont mandatés par les agences régionales de santé pour traiter les zones proches des cas détectés, éliminer les moustiques adultes et les larves et réduire le risque de transmission.
Quels sont les traitements mis en œuvre dans ce cadre ?
Des traitements adulticides et larvicides principalement. La gamme est assez limitée parce qu’il faut trouver des produits n’ayant pas d’effets délétères sur d’autres insectes. On utilise principalement des traitements à base de bactéries, notamment le Bti (Bacillus thuringiensis israelensis). Les produits sont vaporisés pour éliminer les moustiques adultes et traiter les gîtes larvaires.